lundi 11 janvier 2010
Nuevos planes, idénticas estrategias
J'ai perdu le mot de passe de mon trèèès ancien blog. Inutile de dire que personne ne le lisait, que je n'avais que deux commentaires et qu'il n'avait qu'un but exutoire. Sans en mentionner la noirceur.
Bref, la mode est passée (on le sait tous) mais me revoilà ayant envie de finir ces histoires, celles sans longueur définie. J'aimerais tellement pouvoir écrire dans une langue commune et que tous le monde puisse comprendre ; j'aimerais aussi ne pas perdre trop de temps et faire de ce blog des pages que l'on tourne avec un peu de douceur et de couleurs.
Un livre coloré, un livre à lecture multiple et surtout à écriture parfois automatique.
La phrase de départ (après le copion de mes propres blogs que j'aimais) et le dégradé de couleur est la suivante:
"Pero el cielo, aun tan negro, es nuestro cielo, es nuestro" du déprimissimant Nacho Vegas
Crushes
This morning I woke up with a completely different idea of a good and satisfying experience. Well, this could be about sex or relationships. I've been thinking about swinging, and all this crap...definitely not for me. I've been thinking about "Des nouvelles du bon Dieu" and how they try to reach god through sex. Interesting. Actually, the simplest thing would be to sit on a bench, a terrace, with a pastis or kir and watch what's going on and, if you don't forget your thick sun glasses (thank you Fabio for the trick), you can even have a long look at all the good looking guys (out there, there must be plenty of those, am I right?). Then, if the terrace is in Paris, you can even experience the flirting in a second-hand bookshop. On the other hand, if it's St Petersburg, you can experience the flirting running in the subway hand by hand with a stranger. On the third hand, if you're going to an exhibition in Barcelona on a Sunday morning, you might cross deep brown eyes looking at you and being so close that you couldn't help but starring at them for the whole exhibition.
This morning I woke feeling like being a not-too-stupid girl of those how-so-stupid american movies: on holiday by myself or with some girlfriends playing the part of the how-so-self-confident-i-am
Le moine au bord de la mer
Il y avait sur le mur une ombre. Quelque chose d'une simplicité remarquable. Comme ces traits devinés dans les balatums des salles de bain. Moi, j'y ai vu un arbre...bien qu'ayant longuement hésité, buté sur le mot juste. Serait-ce un arbre ou alors un de ces petits arbustes qui poussent parfois le long des falaises. De ceux qui accrochent les jupes ou encore ces longs foulards qui m'étoffent.
La lumière très sensible et un rien excessive donnait à penser que, bien que ç'eût été cet arbuste tortueux, les couleurs l'eussent bien caché. Quel masque divin ! Ainsi je décidai que mon esprit était imprégné de ces rêves aux couleurs de tempêtes et de ces tableaux enchanteurs.
A ce jeu, je me suis prise. Mais il me parlait. Aurais-je du lui mentionner ces étourdissements soudains, ces absences inexpliquées ? Elles sont très souvent inexpliquées, je l'avoue. Il continue à parler, les mots prennent corps un à un sur l'ombre. Le souffle de sa voix en dessine les traits, joue avec le vent. Tantôt un tu comprends tantôt un mais se transforment respectivement en une vague repliée et une grande bouche ouverte. Ou était-ce le contraire ?
Et les mots sur cette bouche perdaient leur sens...bien que ce ne fût que le premier. La lassitude et l'ennui. Lui parlant en vibrant et me vibrant le devinant tu.
Ensuite, un son : « Ma belle, tu ne contestes ni pour le verbe, ni pour le point » Ni pour le trait de peinture qui, sur ce mur paralysant, ajustait à merveille cette idée très précise de cet arbre trop longuement imaginé, aurais-je pu ajouter. Je ne le fis pas. Cela va de soi. La belle cherche un prétexte, cherche une simple et unique raison : celle de ne plus se taire derrière des futilités. Moi, dont la langue ne se tournait jamais plus de sept fois dans la bouche avant de parler, j'ironisais la situation pensant aux métaphores insensées qu'il perdrait me perdant.
Car il m'avait déjà perdue.
Et la belle ne conteste ni pour le verbe, ni même pour ce point....ce point transformé en une larme d'ombre qui coule et coule encore plus loin et plus droit sur le mur. Comme emporté par un esprit, par le souffle de la voix se mourant dans le point jusqu'à s'effondrer libre dans la plinthe, oui, la plainte.
Il y eût ensuite un sourire, de ces innocents sourires qui ne savent mentir qu'à moitié. Mais personne ne leur en demande l'explication. On se contente de les regarder. Et parfois d'y répondre. Ainsi, échangeant, donnant et recevant, les deux pôles communiquent. C'est tout du moins l'impression que j'eus. La belle s'en contenta et je ne m'en félicitai nullement.
« J'aurais tendu à croire que ce choix peu réfléchi et que cet emploi abusif t'eussent offusquée. Qu'en t'y épanchant, ta critique aiguisée s'y serait mise à cœur joie. Et, loin de l'innocence incertaine que tu dessines et par laquelle, ma foi, tu gâches cette prose, la virulence insoutenue de tes jeunes excès donnent souvent porte à de grands débats et passionnés discours. »
Cependant, l'aiguillon ne la touche point. Et de marbre, marbre comme le pourrait être ce mur, la belle reste. Il faisait fort éclairé. Et le souvenir de ces feuilles qui s'accrochèrent un jour à leurs pieds. Un jour en un rêve immense que celui de se taire en un silence thématique. Elle en avait choisi les notes, voire accordé les cordes. Dans la fixation des éléments s'impose le musicien, celui qui devine les sons sans les entendre. L'intuition en une harpe ; l'aveugle en caressant les cordes. Et lui, ce même lui, écoutant nu l'appel d'une sirène.
Sur le crépi, la peinture et le coup de pinceau, elle devina l'empreinte reluisante d'un sí. Il se dandinait enchanteur s'enlaçant à l'arbuste rêche. Il n'en semblait aucunement dérangé. J'ai glissé ma main sur sa joue, d'abord celle du sí et puis sur la sienne, ce qui tout bien réfléchi revient au même. Et là, la belle comprit.
Elle s'est levée brusquement de sa chaise, sans ôter le sourire, faisant tourner peu à peu l'angle des regards. La translation du corps et le recul des deux regards ainsi tournant... « Allons-y, qu'en penses-tu ? »
C'est à ce moment, enfin, que commence l'histoire. La belle et son prince charmant quittent à pas décidés, pour elle, ou à pas imposants, pour lui. Elle avait souvent connu ses chaises et ses fauteuils, les passages sur les pavés où les talons s'écrasent et où les coups s'accumulent. La lumière n'avait pour elle plus aucune importance. Ils allaient rentrer. Et c'était là toute une succession d'idées accumulées au fil des jours. Je parle ici de leur jardin, de ces jardins secrets où seuls pénètrent les intimes, au sens pur du terme.
Et cette intimité un peu prude et longuement enfantine naquit d'une succession d'éléments fortuits, pensera tout un chacun au premier abord. Lorsque l'aiguillon sort et chatouille les creux intrinsèques, les recoins délaissés, c'est alors que s'ouvre la possibilité de comprendre comment est leur maison, ce qu'on appelle communément le chez eux. Je n'ai jamais aimé ces termes. Ils sonnent faux à mes oreilles.
Les éclats reviennent. Ces éclaboussures de lucidité. Oui, oui, les éléments fortuneusement fortuits de leur pensées croisées et pausées. Elles en effrayeraient plus d'un. Elle est belle. Tout simplement. Les journées d'orage en été, lorsque cette odeur d'ozone s'engouffre par les fenêtres tout d'abord entrebaîllées et puis avec émotion ouvertes grandes, comptent parmi les instants privilégiés de l'exploitation. Le mot est dur, il vous semble. Cependant le poids de chaque geste, eusse-t-il parût futile, courbait l'atmosphère entière comme créée par ou pour elle. Ainsi les pensées fusent, les pensées se dilatent. Car quand elle exploite, il n'y a personne pour l'entendre. Ni elle, ni personne qui la connaisse.
« Aurais-tu seulement acquiescé ? Ton jugement peut parfois importer aux personnes qui comptent sur ton avis. Et je pense qu'ils sont de ceux-là. Qui plus est, j'en suis moi-même. »
« Rentrons, veux-tu ? Les lumières, ici, m'indisposent. Je n'ai aucune envie des jouer sur les mots avec d'autres. Je n'ai aucun besoin de partager ni mes jeux ni mes images. Ou ne serait-ce qu'avec toi.... »
C'est la voix hésitante, bien entendu, que la belle lui répondit.
Le chemin qu'ils avaient tracé les premiers jours furent peu hostiles. Un premier temps. J'ai tendance à penser que les choses vivent en plusieurs temps. En plusieurs cycles qui, le cas échéant, se répètent. Mais ça y est, ils sortent de cet endroit, ils s'avancent l'un accolé à l'autre. Les fils tendus en toiles fines ne cachant qu'à peine les liens étroits de ce jeune couple qui va, non pas main dans la main, mais fil par fil, cheveux par cheveux. C'est un conte bien étrange que celui de ces deux-là, les deux protagonistes d'une histoire insoupçonnée. Tout se tait, surtout elle. Mais qui est ce deuxième ?
Pendant qu'ils s'avancent, lui parlant, elle souriant, ils sont admirés, je crois. Ou peut-être passent-ils inaperçus car l'heure n'est pas froide ; car l'atmosphère admet encore les mouvements ; car il faut s'y noyer pour s'y complaire. Leur monde n'est pas cruel, oh non ! Il leur a suffit de s'immerger seuls, nus entre les bandes –serpentine- des traces d'air. Eviter les boursouflures et les croches, cela le connaît lui. Ils passent donc, anonymes, dans les rues familières, comme les pavés du café. Et ils prennent le métro, toujours ensemble, mais jamais séparément. Parfois les gens disent qu'elle a les yeux absents. Moi, j'en comprends bien le sens de cette phrase. Lui n'en est que plus attiré, voire absorbé.
Et parfois ils se contentent de marcher. Jusqu'aux escaliers.
« Je monte le premier et attise le feu ? Profite et ne te dépêche pas. »
Lui monte, elle attend.
Elle laisse l'impression de possession s'emparer de lui, nourrissant ainsi l'exploitation de l'autre. Et s'assied innocente.
Sur les marches, les premières. Les plus usées par les passages, comme les pavés. Car il y eût une ombre, un jour, une fois... -car toujours il y eût une illusion de liberté, emprisonnée par quelque pensée matérialisée.
« Dans la fibre du bois, sur le coin d'un œil, la lumière a soudainement glissé et s'est engouffrée précipitamment dans les rainures abîmées.... Ça n'arrive que quand tu parles cependant. Que quand tu parles... »
Et elle s'était tue. Et lui avait fait mine de rien et avait rêvé des lumières qui sortent ainsi emprisonnées et à ce à quoi elle avait bien pu penser, elle. Car c'était bien elle qui le pensait, cela allait de soi. Oui, ça paraissait tout à fait dans la normalité des choses, dans le fil courant des idées que les gens ont d'une vie humaine. Mais, elle, comme envoûtée, avait imaginé un univers tout autre. Il n'en avait pas peur, non ! Il l'avait adopté. Ou serait-ce elle qui l'en avait admis ? Comme un privilège redevable, comme une approbation incommensurable : le remerciement d'un instant partagé.
« Quand tu parles... c'est à ce moment que tout se meut ! Tu sais ces détails insignifiants, insignifiant. Ceux que, sous les lumières immobiles, nous avons radiés. Ceux que tu avais toi-même interdits pour moi. Il m'a fallu du temps pour me rendre compte que cette idée prenait source en moi. Que la personnalité de la cause s'éloignait par beaucoup de son effet. Ton identité se mêle aux creux comme ce bois usé. Et moi, je reste admirant plus l'effet que la cause. »
Il me vient parfois cette idée saugrenue à l'esprit, qu'en fait, il ne l'a jamais vraiment comprise. Il l'aurait ainsi acceptée. Telle quelle. Telle qu'elle doit être dans ce conte de fées. Car oui, c'était pour lui une fée. Il lui avait fait croître des ailes qu'elle avait senties nécessitant éclore. Eclore ou crever la peau, c'était selon. Moi, je l'ai sentie souffrant.
Nous nous évanouissions le long des phrases, quand les nuits sont trop longues. La sagesse et la maturité se travaillent et bouillonnent, bouillonnent nous brûlant. Et la peau molasse effritée comme poreuse et usée, s'écartant donnant place à ces ailes immobiles. Et le froid du vent, et la surdité du soleil sur les nerfs ensanglantés. Et les nerfs interminables. Et les nerfs frôlant l'autre, et les fils-cheveux les reliant faits de nerfs, faits de ses nerfs.
Elle l'avait guidé sur ce chemin et sur cette métaphore. Il était bon. Il était même très fort. Et sur ces coïncidences, ils ont créé leur environnement. Elle l'imaginait très facilement, comme vivant par lui. Elle toute entière était atmosphère. Ils avaient traversé ensemble les murs de son imagination. Elle restait admirant la beauté de ce geste. Lui ne mesurait pas le poids de ce don. Il ne mesurait plus. Plus.
Elle s'arrêtait sur la marche. Elle s'asseyait, le dos droit d'abord, et puis se courbant. Car il y avait sur le mur de la cage d'escalier ces traits et bandes de lumière. Quand elle lui avait parlé, la couleur de ses paroles avait changé ce jeu, cet ensemble. Il contesta.
« Peut-être pas aujourd'hui. Peut-être mes mots ne dépassent-ils pas les sentiers de cet entendement consenti. Celui que tout bonnement tu rejettes. Laisse-moi un droit au retour. Laisse-moi paraître. »
Et de pianoter sur les taches essentielles de sa peau. Elle en compte par centaines. Et ses doigts ne résistent plus. Comme pleurant se mouvant.
Le nerf jusqu'au bout de ses doigts, tirant les ficelles des tripes. L'entièreté de leurs deux corps se dressant en un tremblement orgasmique. Les lèvres bleues. Mes lèvres bleues. Mes lèvres en bleu.
Et lentement se dessinant les échanges coutumiers et les mouvements habituels du rêve ou encore songe que représentait leurs vies. Mais ils avaient aperçu la notion d'hostilité. Et se faisant apercevant, selon lui, les signes de retour au désir ; un désir blafard du corps de l'autre. Un désir taquin de découvertes et d'images nouvelles, d'horizons jusqu'alors inexplorés. Car ils avaient, bien sûr, à explorer d'autres métros et d'autres rues. Il leur restait encore d'immenses arpents et de profondes vagues où s'accomplir. Et sur le point où prenait forme le verbe, elle devait se prononcer encore. Elle devait se prononcer, se prononcer.
La perte du narrateur dans la coïncidence des pronoms n'est pas fortuite. Quand coïncident le sien et le sien...ne sont-ils que seul au bord de la mer ?
Mon rôle se joue dans ce jardin aux ronces grandissant. Là où les arbustes se cachent pour voir les plages désertes aux ciels orageux. Là où il n'y a ni saison ni soleil. Là, oui, sur ce mur -en ce moment précis où lui volubile et moi sourde-, je crois distinguer cet arbuste.
Et de par ce rôle, je sais pertinemment les besoins que la belle implore. Et de n'être avec lui qu'un seul corps aux nerfs se touchant en est un. Et de s'évanouir en lui se couchant en est un. Et de s'oublier. Et de m'oublier.
Mais depuis sa marche irréelle, la belle contemple à nouveau les ombres qui se dessinent sur la peinture du mur. Car il a parlé, volubile. Elle n'a pas écouté, assourdie. Elle n'a pas su se détacher de l'empreinte du son entre les mouvements et tourbillons d'air. Elle n'a pas osé ni bouger ni trembler ni frémir.
Qu'y a-t-il de plus douloureux que de se retirer précoce d'une pénétration monologue ?
Avoir pris conscience d'un rêve. Sommes-nous seulement capables de rêver les yeux extraits ? Loin des regards animés se trouvent les sens où les silences se suffisent à eux-mêmes. Que ce soit de par les fils, comme des cheveux, que nos chimères se pendent s'étranglant ou par les frissons des sons tus, je les grave éternelles à même mes rétines condamnées.
Et dans cette conclusion inachevée la belle est malheureuse. Et le dessein de son sourire à demi vécu coule sur le mur, jusqu'à pénétrer les nœuds du bois poli, et à se réaliser coagulant à l'odeur de la cire. Et lui, toujours pianotant sur les grains incertains de sa peau -sa peau à elle ne nous y trompons plus- et lui, donc, résonne et résonne et la fréquence ne s'accroche pourtant plus. Il a fini de les découvrir toutes une à une. Il a fini.
Et dans mes métaphores, je me suis perdue... sarcastique pourtant.
Et dans sa perte délibérée, nous sommes malheureuse.
Les distances
Et lentement les temps ont bougé. Il est des choses qui ne se meuvent que lentement ; et tel un sourire planté tristement sur des lèvres abandonnées, miment impénétrables des abîmes de plaisir. Oui, enfin, ce mot naît, timide encore, mais présent toujours. Ce mot naît et s'ajoute, bousculant tendrement les sentiments alignés, au lexique incomplet de ses jeunes pensées.
Car tel était sont but et échappatoire : créer des illusions grammaticales et vivre des métaphores euphoriques. A travers de cette création de champs lexicaux, comme de fleurs parsemées, elle éprouvait certaines gammes de petits frissons, de catégories bien définies et sélectionnées de frissons. Ceux que j'aime...
Ainsi, quand les temps se sont mis lentement à montrer une volonté, propre, de vivre enfin, de s'animer sans doute, ils ont fait miroiter en elle quelques frissons plus grisants que ceux qu'elle avait connus jusque là.
Et en une novice incongrue, se découvrant des nouveaux grains de peau et d'autres touches impensables et creux irreligieusement encrassés, elle divague aux mots nouveaux, comme aux notes négligemment envoyées aux oreilles néophytes.
Une fois les temps ayant pris goût au plaisir langoureux de courir en plein vent, les images se sont animées dans une attente inimaginable de frissons dépendants. Et sur les lèvres impropres au mouvement s'est inscrite une moue extravagante. Une grimace en dessin pourvoyant un aspect d'irrespectueuse amante la basculait en une catégorie fusante de frissons incontrôlables.
Entre les heures et les interstices de ce nouveau paramètre, il lui a fallu immiscer de nouveaux jeux comme de nouvelles expériences. Et découvrant peu à peu à en apprécier les saveurs et à en délecter les recoins sans retenue aucune. Et la naïveté en devient presque sensible en s'imposant ici.
Elle aime se surprendre elle-même à l'adaptation immédiate et dangereuse à la fois. Car brusquement, les temps ont bougé. Car en un seul instant, elle a vu se développer son illusion ; elle s'est surprise éprise de ce mot : plaisir.
Mot nouveau en pure essence.
Mot accroché, par les vents parcourus, tout en élégance élancé.
Elle et le plaisir et l'histoire infinie.
Le plaisir jurait avec le trop court.
Entre le long et le plus court, j'aime ces distances indescriptibles... que les temps, capricieux, nous imposent. Ou qu'elle avant avait apprivoisées, comme tentatrice inconsciente d'un désir lexical. Ou qu'elle avant avait dompté le plaisir en désir ; et au plaisir de naître enfin en une identité somptueuse.
Car il était une belle en puissance. Et par son vocabulaire féerique, fabuleux monde, elle se dessine.
Nez
Nez dessiné en un contour parfaitement net. Elle avait une architecture nasale un rien trop courbée. Ne lui demandez pas, à lui, d'en tenir une entière description, d'en faire une profonde conversation. Il en eut été capable, c'est vrai : les ressources étaient là, juste sous son nez.
Mais comme tout un chacun, il ne savait découvrir les pouvoirs de l'image. Il en est qui se contentent d'emmagasiner, d'encastrer une image, aussi belle soit-elle, dans un tiroir bien caché de leur tortueux cerveau.
J'aime à croire que c'est parce qu'il est un dédale emmanché que ce cerveau que l'image, tentant désespérément d'échapper au caprice de succomber au Minautore, se blottit dans les creux tiédasses des synapses avant d'atteindre l'ordre parfait, la symétrie de l'œil masculin.
Elle est là cependant ; elle, avec son nez. Ou dirais-je, elle avec ce contour provocant.
Dans l'instant immortel où elle épousa ce contour, elle avait forcé le sort. Comme en ces jours où l'impression de déjà vu nous prend, ce contact immédiat entre ce contour et sa forme, cette coïncidente coïncidence lui avait fait illusion.
Je la revois encore immobile et la courbe concave glissant sous la lumière. Elle aime à jouer à faire rebondir, refléter les rayons cholériques. Elle est belle tentant d'en dominer quelques-uns et de se donner aveugle à leurs caresses incessantes.
Qu'il est fragile cet instant où, un fil aiguisé prêt à exploser, la femme se connaît belle! Elle a usé des vieux tours et des immondes tourments.
Elle s'imagine encore posant, pierre après pierre, élaborant, tourment après tourment et disposant des recoins impénétrables. Non, l'idée elle ne l'avait pas cherchée. Tombée du ciel, oserais-je le dire, comme un sens inouï et inévitable qui s'impose à l'inconscient. Et d'éprendre le monstre, la suffisance lui donnait faim.
Une grande innocence se distinguait le long des traits. Traits féminins et très aquilins que ce trait nasal disposé à sa vue. Comme un unique paysage ; un point imposant dont on ne peut se détourner.
Et la construction malencontreuse d'une inconsciente forteresse me fait sournoisement penser à une tour invisible, colonne d'air ou courant de pensée emprisonnant...
N'était-elle point elle-même emprisonnée ? Si ma mémoire ne me fait point défaut, je peux encore tenter d'apercevoir ses cris.
Ces cris humides, bien humides...
Et larmes impossibles qui lui coulent en cheveux.
Or, me direz-vous, il s'agit ici du propre cerveau de l'autre. Les phagocytes en puissance aux amonts des dédales.
Et oui, l'expropriation domine l'amour par l'image. Le pouvoir fort du sexe regorge de passerelles innombrables aux vertus parasites.
Mmmm...
En effet, les prises de paroles et les coups de têtes, il ne les contrôlait que très maladroitement. Loin de lui l'idée exubérante d'évoquer un rite maléfique ; bien qu'il eût entendu parlé de ces métaphoriques pansements.
Il restait stupéfait, cependant, des expériences de plus en plus étranges, d'une étrangeté simple, il est vrai, que lui imposait la courbe de ce nez mis ainsi comme sur un piédestal.
Oups, un lapsus !
Et pendant que l'idée se propageait lentement le long de ses synapses, l'information courait aussi en elle. Et ce lapsus, fatale erreur que d'identifier l'objet du désir pur comme étant le nez et non la femme, ce lapsus n'était en soi qu'un indice de la voie qu'avait emprunté l'autre : il était tomber. D'une chute délicieuse. D'une échappée maladroite à bord d'un dirigeable boiteux et utopiste.
Elle sentait se tendre les cordes, les doux tremblements des tiraillements de ceux qui s'arrachent sur le crâne. Les cordes comme point de repère lâche et délaissé qui le retenait lui, au sol. En elle mystifié. Elle qui se donnait tout entière à la parole, tout entière à la parole que cache l'image.
La capture n'est qu'un prétexte.
Elle, tout en cheveux, ne bougeait que d'effritements. Un guide imperturbable de la chute ou témoin consentant d'un viol psychologique : entre le froid de ses yeux et le calme de sa peau, nous ne savons choisir. Je ne retiens que les pores, ceux que l'image, porte baillante, consent à donner. Ils s'adonnaient à la lumière presque immobile, elle aussi. Focalisée en la tour invisible ou encore en les pierres innombrables du labyrinthe tout tracé.
C'est par ici !
Et les cheveux se tendaient un à un arraché. Et les frissons coulaient le long de l'échine. Et atteignant la fente des fesses en un chatouillement magnifique, se mouraient.
Elle en une marionnette. Celle qui tend son nez. Celle qui obéit.
L'ordre du plaisir ne se contourne pas.
Quand le nez à nouveau se tend, il m'eut semblé qu'ils avaient tous deux perdu, non ?
Les enchantements et pouvoirs sont extraits de son âme, à lui, se mêle à son âme, à elle.
Ou se mélangent-ils entre les pores du nez. Ses pores tirés, cheveux extravagants, assouvissent les silences de l'image.
Il aurait manqué aux attentes. Il m'aurait manqué à moi.
Quand l'image s'implicite ainsi, puis-je encore croire qu'il me voit ?
Jouant aux fées déguisées, me noyant dans les mythes et histoires insolites...
Me mordant moi.
Un peu plus loin, un peu plus profond, je suis là où jamais tu ne m'attraperas.
Quand s'étend la seconde, respire-t-il encore ?
Le lien entre sa gorge et la sienne est d'une puissance violant les règles. De ces puissances qui montent d'un côté et qui descendent de l'autre, je n'en connais que peu.
L'ariane ironique est ici béante.
Elle me supplante dans le ricanement.
L'image de ce nez, suspendu dans le froissement de l'air. Illusion d'optique mais elle y croit. Elle s'approprie le rôle de la belle sauveresse d'un conte où il s'engouffrerait, lui tout entier...
...d'un seul coup avalé par l'image immobile de cette déchirure du décor.
Mais je continue à croire que, de la tour invisible, de la brûlure du soleil, juste avant de tomber encore, ce ne sont plus eux qui chutent.
Mais je continue à croire que, de la fixation, de l'expropriation, partout où mes désirs se forment, ce n'est qu'un nez qui pleure.
-eos-
14/02/06